« Peu d’individus sont prêts à prendre un chemin chaotique si une approche plus organisée, préparée et coordonnée semble permettre d’atteindre l’objectif », explique Tim Harford, économiste anglais. Pourtant, selon lui, créativité et capacité de résilience émergent dans le désordre.
« Dans l’entreprise, en politique, sur les marchés, dans la vie privée, nous nous complaisons dans la facilité et le confort que l’ordre procure à court terme, mais nous ne voyons plus quand il nous rend fragiles », soutient Tim Harford dans son dernier livre, Messy. Arguments redoutables et études scientifiques à l’appui, l’auteur constate que derrière la propension à l’ordre et à l’impression de sécurité qui en découle, se cache un risque élevé de vulnérabilité. Aussi, au lieu de céder à la tentation du contrôle, Tim Harford vous invite à ajouter un soupçon de chaos dans votre quotidien pour développer votre créativité, votre capacité de résilience et celles de vos collaborateurs.
Comment le désordre stimule la créativité
Dans son ouvrage, Tim Harford présente pléthore de recherches en psychologie qui dressent un pont entre « ruptures bordéliques » et créativité. Comment le chaos peut-il libérer la créativité ? Pour répondre, l’auteur reprend les propos de Brian Eno, compositeur et producteur anglais : « L’ennemi de tout processus créatif est l’ennui et notre meilleure alliée, la vigilance (…). C’est elle qui, éveillant l’esprit, stimule l’inspiration ». Comment alors briser toute routine pour mettre son esprit en alerte constante ? Cette quête explique par exemple le succès de méthodes de management chaotique telle la collaboration transversale entre équipes diversifiées, riches d’expériences, d’expertises et de bagages culturels variés. Autre pratique bordélique utilisée des les entreprises les plus innovantes au monde, telles que Google ou 3M : assigner à ses équipes plusieurs projets simultanément. Cette technique de gestion de projets parallèles, appelée « réseau d’initiatives » à quatre principaux avantages :
1. Les projets s’alimentent les uns les autres. Les connaissances acquises d’un côté offrent des clés pour avancer de l’autre.
2. Travailler en parallèle sur différents projets peut donner l’impression qu’il sera difficile de porter son attention sur chacun d’entre eux. En réalité, la simultanéité des tâches permet justement de se concentrer efficacement sur chacune d’elle.
3. Se focaliser sur un projet précis n’empêche pas le cerveau de travailler, inconsciemment, sur d’autres. C’est pourquoi les meilleures idées jaillissent souvent à des moments inattendus (sous la douche par exemple).
4. Tout travail a son lot d’impasses et de zones d’ombre. Pouvoir se tourner vers un autre projet donne la possibilité de prendre du recul sur un problème.
Managez le désordre créatif dans vos équipes
Le principal défi pour insuffler une part de désordre dans vos équipes est de savoir reconnaître les émotions que le chaos ambiant génère : stress et frustration. En analysant le ressenti d’équipes « bordéliques » (dont les membres changent fréquemment et dont les frontières géographiques et fonctionnelles sont floues) et d’équipes « ordonnées » (dont les collaborateurs, étroitement soudés, ont des objectifs précis), Tim Harford a fait une découverte surprenante1. Les membres d’équipes ordonnées se sentent plus heureux et ont davantage confiance en leurs performances, tandis que ceux d’équipes bordéliques se disent malheureux et peu sûrs de leurs réalisations. Pourtant, en réalité, les équipes dites « bordéliques » sont plus performantes que leurs homologues pourtant bien ordonnées.