Au 19e siècle, la croissance des entreprises reposait sur l’innovation technologique. Après la Seconde Guerre Mondiale, le marketing a pris le relais en soutenant la consommation de masse. Aujourd’hui, réaliser des prouesses techniques et les marketer habilement ne suffit plus pour séduire les clients, ni pour engager les collaborateurs. Selon Christophe Rebours et Inès Pauly, « l’homme doit être remis au cœur du dispositif de création de valeur » : vous devez proposer des expériences qui répondent aux évolutions des besoins de leurs parties prenantes. L’expérience devient l’actif le plus précieux de l’entreprise, source d’un potentiel avantage concurrentiel.
Qu’est-ce qu’une entreprise de l’expérience ?
Entités agiles, en phase avec les évolutions de la société, les créateurs de start-up du digital ont été les premiers à chercher à épouser au plus juste les usages des utilisateurs. Déjà au début des années 2000, leur approche consistait à rechercher du feedback permanent afin de construire puis d’améliorer l’expérience qu’ils leur donnaient à vivre. Avec son offre de location de logements entre particuliers, Airbnb a ainsi révolutionné les usages du tourisme, accompagnant les mutations sociales autour des notions de propriété et de location immobilière. La start-up pèse aujourd’hui en Bourse deux fois plus qu’Accor, qui a réagi en recentrant sa stratégie sur « l’expérience voyage » plutôt que sur le « produit nuitée ». Des décideurs d’entreprises « classiques » se sont vite emparés du concept d’expérience, souvent à travers l’impératif de transformation digitale. Numéro 1 de la banque en ligne dans le monde, ING Direct (émanation de la banque postale néerlandaise) a rapidement compris que le développement d’internet chez les particuliers pouvait modifier leur relation à la banque, en simplifiant leur expérience bancaire. Et la notion de qualité d’expérience ne se limite pas aux services, elle est présente dans tous les secteurs de l’économie. Sous l’impulsion de Carlos Tavares, PDG depuis 2014, PSA se positionne par exemple comme une entreprise offrant des solutions de mobilité, et non plus que comme un fabricant de voitures. D’une logique « techno push » – innovation poussée par la technologie – la firme au lion est passée à une approche « human push », centrée sur les usages.
Symétrie des attentions et portée globale de l’expérience
Pour Christophe Rebours et Inès Pauly, une entreprise de l’expérience est focalisée sur les besoins des hommes, en premier lieu ses clients, mais elle fait également la part belle à ses collaborateurs. Car la qualité de l’expérience des clients est intimement liée aux individus qui la forgent et à la manière dont ils appréhendent leurs missions. L’expérience des utilisateurs relève en effet d’une co-construction permanente avec les collaborateurs, dans un processus itératif d’amélioration continue. Ainsi, l’entreprise de covoiturage Blablacar a été conçue en 2006 par un jeune entrepreneur, Frédéric Mazzella, lui-même à la recherche d’une solution pratique et abordable de mobilité. Une fois mise en œuvre, il a tenu à ce que ses équipes restent à l’écoute des besoins des « membres » (clients de Blablacar). Il encourage ses collaborateurs à utiliser son service de covoiturage en leur offrant des trajets gratuits. En échange, ils produisent un retour d’expérience et des recommandations d’amélioration.