Les derniers chiffres de Netflix donnent le tournis : 100 millions d’abonnés dans le monde, 50 milliards d’heures de programmes visionnées chaque année. Et, en Amérique du Nord en fin de journée, les utilisateurs du service génèreraient un tiers du trafic internet total. Pour les chaînes de télé traditionnelles à travers le monde, Netflix représente un manque à gagner de 16 milliards d’heures de publicité par an. Résultat : en Bourse, l’entreprise est valorisée 60 milliards de dollars, soit la somme des dix premiers groupes de télévision européens (SKY et ITV au Royaume-Uni, TF1 et M6 en France, ProSiebenSat1 et RTL Group en Allemagne, etc.). Comment Netflix est-il devenu un leader mondial du divertissement en une dizaine d’années ? Pour Erik Johnson qui a rejoint l’entreprise en 2014 et pilote aujourd’hui la division développement produits au Royaume-Uni, « ce succès s’explique essentiellement par l’extrême agilité de l’entreprise, rendue possible par une organisation en plateforme. »
Exercer son agilité stratégique grâce à une structure de plateforme
« Avantage concurrentiel de Netflix : sa structure de plateforme agile, intermédiaire entre des producteurs de contenus de divertissement et des consommateurs. Une approche qui, quelles que soient les évolutions de notre business model, nous garantit une longueur d’avance sur nos concurrents », explique Erik Johnson. Car, depuis sa création en 1997, le CEO Reed Hastings n’hésite pas à bousculer son propre business model pour s’adapter au mieux aux attentes des utilisateurs. C’est ainsi que l’entreprise est passée de loueur de DVD par correspondance à ses débuts il y a vingt ans, à plateforme de streaming vidéo en 2007. « Avec la généralisation du haut débit et les avancées technologiques en matière de compression des fichiers, nous avons compris dès 2007 qu’Internet offrirait très rapidement une nouvelle manière de consommer la télévision. Le risque était alors de laisser des géants comme Google (dont la plateforme vidéo Youtube connaissait déjà une croissance incroyable) s’emparer de ce marché. Nous avons dû changer radicalement de business model. Cela a été rendu possible grâce à notre organisation en plateforme qui nous permet de réduire nos coûts de structure et de nous concentrer sur ce que nous faisons le mieux : tirer parti de l’intelligence collective dispersée dans et en dehors de l’entreprise. »
Créer de la valeur pour tout son écosystème…
« Au-delà de la valeur client, en tant que plateforme, ce qui nous intéresse c’est la valeur créée pour tout notre écosystème », explique Erik Johnson. Cette approche s’inspire largement de la nature même de Netflix dont les principaux concurrents sont divers (les chaines de télé, mais aussi le piratage, Youtube ou le cinéma), dont les contenus sont majoritairement produits par des studios tiers et dont les abonnés payeurs ne représentent en réalité qu’un quart des utilisateurs. « Les frontières de l’entreprise sont floues. C’est pour cette raison que nous ne pensons pas notre proposition de valeur comme un processus descendant (de Netflix vers les clients), mais comme un flux diffus qui arrose tout notre écosystème ».Concrètement, cela se traduit par une tarification qui s’adapte aux pratiques de piratage de chaque marché, une politique d’abonnement permissive qui permet à un abonné de partager ses accès avec d’autres personnes de son entourage (hors de son foyer) et une communication virale sur les réseaux sociaux (quitte à encourager collatéralement le piratage de ses propres séries).