Loading...

L’ensemble des contenus Business Digest est exclusivement réservé à nos abonnés.
Nous vous remercions de ne pas les partager.

Synthèse

La diversité en mode réflexe (et sans biais)

Pour pouvoir s’adapter avec fluidité dans un contexte trouble et mouvant, vos équipes doivent être dotées de la boite à outils cognitive la plus riche possible, leur permettant d’imaginer en temps réel des idées et solutions nouvelles. Mais qu’est-ce que cette richesse et pourquoi peinez-vous tellement à l’exploiter ?

Si « naviguer en solitaire » peut donner l’illusion d’arriver plus rapidement au but, la mise en commun de talents divers permet, elle, de produire les solutions disruptives, adaptées aux turbulences actuelles. Selon Shane Snow, les entreprises les plus innovantes promeuvent au quotidien une saine confrontation des points de vue divergents. Car l’intelligence collective ne se décrète pas, elle se travaille : mal gérée, la diversité d’une équipe peut vite devenir un élément perturbateur, qui ruine le travail collectif. Un subtil dosage est nécessaire pour tirer parti des différences entre vos collaborateurs et atteindre la zone de collaboration optimale. Au sein d’une équipe de rêve, les vues opposées s’enrichissent et convergent vers une performance exceptionnelle.  

D’après

Dream Teams: Working Together Without Falling Apart  
de Shane Snow (Portfolio/Penguin, 2018). 

Ce qu’apporte la diversité cognitive de votre équipe 

Face à l’impossibilité de résoudre des problèmes de plus en plus complexes par un mode opératoire qui pourtant a fait ses preuves par le passé, la seule solution est de penser différemment – et donc d’augmenter la diversité cognitive de vos troupes. Soit s’assurer que vos équipes sont constituées d’un patchwork de profils, de points de vue et d’expertises suffisamment riches et variés pour bâtir des réponses sur mesure, grâce à la complémentarité des angles d’approches utilisés.  

  • Les équipes diverses sont la clé de voûte de la performance. Les équipes « homogènes », efficaces pour suivre des procédures et effectuer un travail répétitif, sont surclassées par les machines, qui font aussi bien qu’elles et plus vite. Sur les missions qui nécessitent créativité et imagination – donc réflexion humaine – même un groupe de « stars », calibrées sur un moule identique (même type de formation académique et de trajectoire professionnelle), performent moins bien qu’un groupe d’individus moins exceptionnels mais présentant des profils variés. La richesse de la boîte à outil cognitive d’une équipe hétérogène est une source unique et irremplaçable d’innovation et d’adaptation.  
  • De la confrontation des points de vue divergents naissent les remises en question – et les pépites de demain. Pour ne pas vous endormir, vous avez besoin de cultiver la pensée divergente et un gisement d’« agents provocateurs » qui défient le consensus. Au sein d’une équipe, exprimer des points de vue minoritaires (même improbables) stimule la curiosité et permet de sortir de la zone de confort des recettes toutes faites, qui deviennent de plus en plus vite obsolètes. Par exemple, au lieu de sonder les intentions de vos consommateurs moyens, tentez les focus group réunissant vos utilisateurs « extrêmes ». Ces derniers sont bien plus susceptibles de produire les idées disruptives dont sortiront les produits phares de demain.  

Ce qui tue dans l’œuf toute tentative de diversité 

Qui dit diversité cognitive dit … diversité. Or la plupart des programmes en faveur de la diversité ne semble pas vraiment porter ses fruits. Il serait grand temps de faire des progrès dans ce domaine, et au-delà des potentiels dommages à caractère punitif, ce sont les nombreux atouts au sein des équipes qui constituent la principale raison de promouvoir la diversité.  

#1 Conviction vs construction 

Selon l’auteur de « The Person you Mean to Be »1, et psychologue Dolly Chugh, nombreux sont ceux qui souhaitent favoriser la diversité, se voyant comme « des gens bien » (ils sont donc dans la conviction), alors que chacun continue à adopter des comportements en contradiction avec cette allégation. Lorsque notre propre image (celle d’être une bonne personne) est remise en question, nous avons tendance à nous sentir menacés et à adopter une posture défensive, nous éloignant plus encore de « la personne que nous souhaitons être ».  

Commençons par comprendre que voir le monde de façon aussi binaire (bon/mauvais) est d’une inefficacité absolue. Nous évoluons tous sur le même continuum ; plutôt que d’être sur la défensive lorsque nous nous trouvons confrontés à des situations qui nous mettent mal à l’aise, nous devrions développer une volonté d’apprendre. C’est seulement ainsi que nous passerons dans ce que Dolly Chugh appelle la construction

#2 Vos pensées non-conscientes avec vos équipes 

Nous avons rarement l’intention de nourrir des préjugés injustes envers les autres, pourtant, nous véhiculons tous, souvent inconsciemment, des idées reçues. Comment alors lutter contre l’invisible, à savoir nos propres préjugés et ceux des autres, afin de promouvoir la diversité et rendre nos équipes plus accueillantes et performantes ?  

“Bon point de départ pour analyser vos propres préjugés, faites un test en ligne et analysez vos contacts et interactions sociales. Vous pouvez également vous poser quelques questions simples : si vous concevez des produits : qui les teste ? À quelles conférences assistez-vous ? Si vous êtes thérapeute ou médecin, comment appréhendez-vous les doléances de vos patients en fonction de leur sexe et de leur origine ?” 

Les écueils à surmonter pour que « ça fonctionne »  

Il ne suffit pas de décréter la « diversification » des compétences d’une équipe pour s’assurer d’une fructueuse synergie.  

  • L’introduction de la diversité nécessite du doigté. En 2016, une étude de Harvard sur 700 entreprises américaines2 a démontré que les programmes de diversité, au lieu de permettre aux groupes et idées « minoritaires » de mieux s’exprimer, les marginalisaient encore davantage. Les raisons de ce paradoxe ? Les recherches scientifiques prouvent qu’il est inconfortable, pour l’être humain, de gérer la différence. Face à d’autres individus, perçus comme dissemblables, notre cerveau reptilien génère automatiquement du stress. Il est donc nécessaire d’acclimater progressivement ses collaborateurs à la diversité, d’accompagner l’intégration des profils « différents » et de ne pas « forcer » la collaboration. 
  • L’union de talents complémentaires, idéale sur le papier, peut s’avérer létale en pratique. Pour preuve : selon la Harvard Business Review, entre 70 et 90 % des fusions ne permettent aucune synergie. Pire, la moitié détruisent de la valeur. Le ratage historique de la fusion Daimler-Chrysler est exemplaire : le mariage des performances financières du constructeur américain et de la R&D de la firme allemande, était prometteur. Mais les équipes des deux mastodontes, méfiantes, dotées de culture trop éloignées, se sont ignorées au lieu de collaborer, provoquant une déperdition de valeur sans précédent. 

Pour animer efficacement une équipe aux talents divers 

Tenez-vous prêt à naviguer entre deux écueils majeurs :  

  • Le danger du conflit permanent – le travail commun tourne à la guerre des tranchées et aux querelles d’ego ; 
  • La tentation de la fuite et du repli – les désaccords sont tus, mais le collectif sombre dans le silence organisationnel, qui condamne l’activité (Daimler Chrysler).  

La diversité n’est positive que si les tensions qu’elle génère sont exprimées ET canalisées ! 

Les points d’attention pour une collaboration optimale 

La zone créative optimale d’une équipe se situe à mi-chemin entre sa zone de confort, qui engendre assoupissement et inaction (le travers des équipes qui se connaissent « par cœur ») et sa zone de surtension (les initiatives personnelles qui se concurrencent). Quatre étapes pour y parvenir : 

  • Pour désamorcer les tensions entre les différentes polarités de votre équipe, travaillez à créer du liant par des interactions sociales quotidiennes. L’acclimatation progressive des uns aux autres, via le jeu notamment, crée une familiarité et abaisse les « barrières » du cerveau reptilien, facilitant l’expression et l’intégration de tous les points de vue.  
  • Rassembler vos troupes autour d’une cause commune fédératrice, qui transcende les différences. Exemple : permettre à votre équipe de se développer ou de gagner des parts de marché. La logique ? « Un pour tous et tous pour un ».  
  • Respecter les individualités et leurs singularités tout en les rassemblant sur des valeurs inclusives pour que l’entente cordiale tienne dans la durée. Selon Shane Snow, les organisations qui relèvent ce point mobilisent le plus rapidement leurs troupes, affichent le turnover le moins élevé et possèdent les activités les plus pérennes. La logique ? « Unis dans la diversité ». 
  • Racontez une histoire : l’outil le plus puissant pour consolider le sentiment d’appartenance au groupe est un bon storytelling, basé sur les émotions, qui s’adresse directement au cerveau reptilien, plus qu’un discours rationnel, construit sur des faits. BlackRock utilise le pouvoir du récit à un niveau plus personnel, en encourageant ses collaborateurs à partager leurs histoires pour renforcer la confiance réciproque. 

Construire une équipe hors pair nécessite d’opérer un ajustement permanent pour maintenir l’équilibre entre l’entropie inhérente à un groupe constitué de compétences et profils éclectiques et la nécessité de canaliser leurs talents vers un objectif commun. Réussir cet exercice délicat assure une fluidité exceptionnelle dans la collaboration, qui signe les équipes de rêve, soudées et ultraperformantes.

© Copyright Business Digest - Tout droit réservé

Marqué avec : performance, collectif, solitaire
Françoise Tollet
Publié par Françoise Tollet
Elle a passé 12 ans dans l’industrie entre autres chez Bolloré Technologies. Elle dirige Business Digest depuis 1998, société qu’elle a cofondée en 1992 et dont elle a décidé du big move vers Internet dès 1996… avant même d’en rejoindre l’équipe.