Combattez le fake par les faits
Nous aimons les rumeurs et les histoires dramatiques comme nous aimons le sucre et le gras. Et nos instincts nous poussent à en redemander. Aujourd’hui à l’heure où Internet charrie des pétaoctets de bullshit, il devient urgent de dire stop et d’entrer en résistance contre ces post-vérités qui flattent notre appétence naturelle au sensationnel, à la généralisation et au blâme…
Impossible ? Non, en apprenant à débusquer vos biais cognitifs, vous pourrez développer une vision du monde basée sur le réel, qui vous sera utile pour mener votre vie et votre carrière de décideur. Contre la post-vérité misez sur la factualité !
Factfulness, de Hans Rosling, Ola Rosling et Anna Rosling Rönnlund, (Flammarion, 2019).
1. Dites non au pire et à la peur
Vous avez tendance à remarquer ce qui va mal plutôt que ce qui va bien. Cet instinct explique le nombre de tentatives de désinformations qui s’appuient sur une présentation négative de faits alors même que ceux-ci comportent objectivement des éléments qui seraient de nature à vous réjouir. Et quand en plus le storytelling mise sur la peur et désigne un coupable, vous mordez encore plus facilement à l’hameçon.
Pour résister :
- Essayez de faire la distinction entre un état (médiocre, mauvais…) et une orientation de changement (mieux, pire…). Quand les choses peuvent aller à la fois mieux et mal, vous succomberez moins facilement à des messages dramatisants.
- Souvenez-vous que les bonnes nouvelles font rarement la Une (qui aurait intérêt à parler des trains qui arrivent à l’heure ?). Quand vous êtes bombardé de mauvaises nouvelles, prenez du recul en vous demandant si des informations aussi significatives mais positives vous auraient été communiquées.
- Essayez de comprendre le système qui a conduit à la situation en faisant abstraction des coupables ou des héros qui vous sont désignés.
2. Ne cherchez pas à tout schématiser
Il est tentant de chercher à simplifier la complexité du monde. Pour ce faire, vous pouvez compter sur un biais cognitif très puissant qui vous pousse à résumer toutes les situations par des oppositions binaires (les riches et les pauvres, eux et nous, les oppressés et les oppresseurs, etc.), quitte à accepter que soient rassemblées des histoires qui n’ont rien à voir.
Vous avez aussi tendance à appréhender toutes les évolutions sous la forme d’une ligne droite : par exemple puisque la population mondiale a augmenté rapidement ces dernières années, vous pensez instinctivement qu’elle va continuer à progresser au même rythme (alors que sa croissance a déjà commencé à ralentir), ce qui vous amènerait naturellement à diffuser des discours catastrophistes…
Pour résister :
- Ne vous contentez pas de comparaisons de moyennes, de comparaisons entre extrêmes et des contenus qui évoquent une « majorité » non chiffrée ! Entre une majorité à 51 % et une majorité à 99 %, les chiffres ne racontent pas la même chose !
- Restez lucide : méfiez-vous des exemples frappants qui ne seraient qu’une exception agitée comme un chiffon rouge pour vous faire perdre de vue la règle qui demeure dominante.
- Souvenez-vous que les évolutions en ligne droite inscrites sur une longue période sont rarissimes. La plupart des changements suivent des trajectoires non rectilignes : bosses, toboggans, courbes en « s »… Si l’échelle de temps qu’on vous soumet ne donne à voir qu’une ligne droite, changez d’échelle pour avoir une vision plus large.
3. Apprenez à changer de perspective
Les idées simples ont un attrait irrésistible ; un être humain normalement constitué appréciera toujours de maîtriser pleinement un sujet. Quand une idée est bien ancrée en vous – à force d’itérations sur les réseaux sociaux, par exemple – elle devient une conviction. Elle risque alors de brouiller votre capacité de jugement et vous verrez le monde à travers son prisme. Par exemple, si vous êtes persuadé que la population mondiale va poursuivre sa croissance exponentielle, vous aurez tendance à vous servir de cette croyance pour décrypter les conflits mondiaux, les flux migratoires, le changement climatique… Une conviction solide risque également de vous empêcher d’accepter les informations qui ne correspondent pas à vos idées préconçues.
Pour résister :
- Vous avez des convictions bien ancrées ? Efforcez-vous de rechercher la contradiction en sollicitant le point de vue de gens qui ne sont pas d’accord avec vous.
- Ce n’est pas parce que vous maîtrisez un sujet à fond que votre savoir va vous servir dans toutes les situations ! Acceptez de ne pas avoir de réponse à toutes les questions.
- Méfiez-vous des argumentations qui s’appuient sur des idées simples et séduisantes avec lesquelles vous ne pouvez qu’être que d’accord. Et n’oubliez pas cette règle quand c’est à vous de convaincre !
4. Résistez à l’urgence
« Agissons vite, demain il sera trop tard ! » Face à un danger présenté comme imminent, votre instinct vous pousse à réagir immédiatement. Ce réflexe peut être salvateur pour éviter un accident de la route, mais totalement contre-productif face à un problème complexe. La sensation d’urgence a une fâcheuse tendance à vous orienter vers des opinions tranchées et des mesures drastiques.
Pour résister :
- Vous êtes poussé à agir vite ? Demandez plus de temps et davantage d’informations. Insistez pour que vous soient fournies les données qui justifient l’urgence de la situation. Vérifiez que ces dernières sont à la fois pertinentes et fiables.
- Restez circonspect devant les prévisions dramatiques. Considérez tous les scénarios possibles (et pas seulement le meilleur ou le pire).
- Ne cédez pas à la tentation de mettre en place des mesures radicales pour palier à l’urgence. Elles pourraient avoir des effets collatéraux indésirables. Gardez en tête que des « petites mesures » concrètes mais de moindre portée peuvent s’avérer plus efficaces à long terme.
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