Recommencer ou Réinventer ? 5 questions pour le monde d’après
Au XIVe siècle la peste noire a vidé les campagnes, contraignant les seigneurs à rémunérer les paysans pour leur labeur. 600 ans plus tard, la grippe espagnole contribuait directement à la naissance d’une médecine socialisée. Et vous, qu’allez-vous construire de bon pour l’humanité à partir de la catastrophe de la Covid-19 ?
Si elle met à mal toute l’économie mondiale, la pandémie de Covid-19 a cependant rendu possible l’impensable : desserrement de l’étau budgétaire, remise en cause des règles du jeu, retour en grâce de l’état-providence, chute significative des émissions de gaz à effet de serre. Bien sûr nous savons que cette situation n’est que transitoire mais ne pourrions-nous pas créer collectivement les conditions nécessaires pour que ses effets bénéfiques perdurent dans le temps ? Par où commencer… Peut-être tout simplement par se poser les bonnes questions.
Renoncer au futur ou recommencer comme avant ?
Pour certains, l’urgence est de relancer la machine et tout miser sur la croissance. La seule attitude raisonnable serait de faire comme si la crise n’avait pas existé et continuer à créer de la valeur sans toucher aux règles du jeu. Mais une large majorité plaide au contraire pour un changement massif, avec des prises de position parfois surprenantes, comme celle de Patrick Artus, chef économiste de la banque Natixis qui annonce sans le moindre regret la « fin du capitalisme néolibéral1 ». Faudrait-il donc renoncer au futur tel que nous l’imaginions ? Et pourquoi pas, tant celui-ci apparaît déjà obsolète et inadapté au monde fragile qui sera le nôtre dans les années à venir. Loin de se contenter de l’idée de décroissance, des penseurs comme l’environnementaliste Deepa Pullanikkatil ou les chercheurs de l’initiative Closing Worlds2 proposent de désaffecter des pans entiers de l’économie pour rediriger les capitaux vers des activités soutenables. De doux rêveurs ? Pas forcément : Ford imagine déjà un monde sans voiture tandis que Michelin travaille sur l’après-pneu. Le philosophe Bruno Latour3 propose une trajectoire de transition jalonnées de grandes questions : quelles sont les activités que vous souhaiteriez ne pas voir redémarrer et pourquoi ? À l’inverse quelles activités jugez-vous prioritaires ? Comment la disparition des premières peut-elle favoriser l’épanouissement des secondes ? Que faut-il faire pour permettre la transition des hommes comme des flux financiers ?
1 « Le Covid-19 sonnera-t-il le glas du capitalisme ? », par Pierre Rondeau, (Slate, avril 2020).
2 « Il faut renoncer aux futurs déjà obsolètes », par Alban Agnoux, Aurélien Fabre et Bastien Marchand, (Usbek&Rica, mai 2020).
3 « Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise », par Bruno Latour, (AOC, mai 2020).
4 U.S. Workers Discovering Affinity for Remote Work, Gallup, avril 2020.
5 « Social and asocial prefrontal cortex neurons: a new look at social facilitation and the social brain », de Marie Demolliens, Driss Boussaoud et al., Aix Marseille Université.
6 « CRISIS MANAGEMENT : 3 Ways Strong Leaders Can Support Work-From-Home Employees », par Jan Sunny Bajaj, (Entrepreneur, avril 2020).
7 Cité dans « Avec les techniciens télécoms, “héros des réseaux ” », par Sébastien Dumoulin, (Les Échos, avril 2020).
8 Cité dans « Ils font face au coronavirus », (Stratégies, mars 2020).
9 « 7 best practices for supporting employees during COVID-19 », par Diane Adams, (HRExecutive, mai 2020).
10 Cité dans « Un accord innovant dans le secteur des banques outre-Quiévrain », (Les clés du social, décembre 2019).
11 « What pandemic dreams may come », par Colleen Walsh, (The Harvard Gazette, mai 2020).
12 La Boîte à Rêves, Capgemini Consulting et The Boson Project, 2016
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