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Interview

Et si vous discutiez l’indiscutable  ?

Éléphant dans la pièce, tabou, non-dit, vérité que personne ne veut voir, façon de faire l’autruche… Les expressions abondent pour qualifier tous ces sujets qui empoisonnent insidieusement les dynamiques collaboratives. Respectivement professeure en comportements organisationnels et leadership et enseignant-chercheur à l’IMD de Lausanne, Ginka Toegel et Jean-Louis Barsoux préfèrent, eux, parler « d’indiscutables ».

 « Nous définissons les indiscutables comme des pensées et des sentiments inexprimés qui pourraient aider les équipes à travailler de manière plus productive s’ils étaient abordés ouvertement et qui deviennent toxiques si on les ignore », indique Jean-Louis Barsoux. Rien de nouveau sous le soleil : pendant des siècles les entreprises ont fonctionné sans discussion, les patrons décidaient et leurs équipes exécutaient. Mais aujourd’hui, à l’heure de la parole libérée, de la confiance, de la transparence de l’information et de la responsabilisation, les indiscutables sont plus que jamais problématiques. « Leur nocivité est exacerbée par les nouveaux modes d’organisation, souligne Ginka Toegel. Avec le poids croissant des activités collaboratives (téléphone, mails, réunions…) et la montée en puissance des modèles d’entreprises distribuées, les non-dits, les malentendus et les signaux d’inconforts passent plus facilement inaperçus et font d’autant plus de ravages».   

La peur, l’hypocrisie, les conflits, l’inconscience : quel est votre indiscutable ? 

Mais concrètement à quoi ressemblent-ils ces indiscutables ? Quatre grandes familles se distinguent. Tout d’abord, les « choses que vous pensez mais que nous n’osez pas dire », dont les principaux leviers sont la peur et le manque de confiance. Puis « les choses que vous affirmez alors que vous faites autre chose » qui sont essentiellement motivées par le besoin de protéger le groupe ou le désir de se conformer au moins en façade à nos engagements, comme lorsqu’on parle de « réinventer l’entreprise » alors que les actions engagées visent essentiellement à optimiser la productivité ou à réduire les dépenses. « Les choses que vous ressentez mais que vous ne pouvez pas nommer », comme les tensions, les ressentiments, les frustrations. La dernière catégorie regroupe les « choses que vous faites sans le savoir », qui sont en général des comportements collectifs acquis sur la durée (l’incapacité à s’écouter en réunion, par exemple). « Ces différentes pathologies ne sont pas exclusives les unes des autres : une équipe peut présenter les quatre types de troubles simultanément. Tous ont des pouvoirs de nuisance comparable mais je dirais que la dernière famille est sans doute la plus difficile à gérer puisque, par définition, personne dans l’équipe n’en a conscience. Bien souvent un « révélateur extérieur est nécessaire pour que les membres du groupe commencent à réaliser ce qu’ils font » indique Jean-Louis Barsoux   

Ignorer le problème ? Mauvaise idée 

Discuter l’indiscutable peut faire peur. Après tout, toutes les vérités ne sont peut-être pas bonnes à dire et personne n’a spontanément envie d’être celui qui va percer un abcès, surtout si vous êtes le responsable de l’équipe. « D’après notre expérience, les chefs d’équipe ont tendance à surestimer les risques liés à la levée d’indiscutables et à minimiser leurs impacts potentiels », remarque Ginka Toegel. Beaucoup ignorent le caractère contagieux de ces troubles et leur capacité à étouffer la créativité et les capacités d’adaptation au changement collectif.  

Extrait de Business Digest N°303, Février 2020

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Françoise Tollet
Publié par Françoise Tollet
Elle a passé 12 ans dans l’industrie entre autres chez Bolloré Technologies. Elle dirige Business Digest depuis 1998, société qu’elle a cofondée en 1992 et dont elle a décidé du big move vers Internet dès 1996… avant même d’en rejoindre l’équipe.