Imaginez un monde où tous les véhicules sont autonomes, et les accidents erradiqués : que deviennent alors les compagnies d’assurance ? Un monde où la santé est entièrement monitorée par des objets connectés : que deviennent les laboratoires d’analyse ? Un monde où les professeurs mettent gratuitement leurs cours en ligne sur le net : que deviennent les écoles et universités ? Ce type de transformations affecte tous les pans de l’économie, menaçant des acteurs leaders de leur marché depuis des décennies. Des chiffres2 montrent d’ailleurs que l’espérance de vie des entreprises diminue : la moitié des organisations qui figurent aujourd’hui dans le S&P 500 aura disparu dans dix ans. Mais ces changements peuvent aussi représenter une incroyable opportunité de réinvention… à condition de résister aux assauts répétés de nouveaux acteurs audacieux, tout en préparant l’avenir. Un processus de transformation duale modélisé par Scott Anthony, Clark Gilbert et Mark Johnson du cabinet américain Innosight.
Transformation A : repositionner son modèle d’affaires actuel
En 2007, l’éditeur de logiciels Adobe affiche une santé rayonnante avec un portefeuille de produits de référence : InDesign, Photoshop, Illustrator, Acrobat, etc. Un an plus tard, la crise des subprimes conduit de nombreuses entreprises à réduire leurs dépenses et les ventes de logiciels professionnels s’effondrent. En parallèle, avec l’essor des applications mobiles, de nombreux acteurs disruptifs se mettent à proposer des solutions à moindre coûts. Le chiffre d’affaires d’Adobe chute de 17 % et l’entreprise licencie 10 % de ses effectifs. Près de dix ans plus tard, Adobe affiche pourtant un chiffre d’affaires de 6 milliards de dollars, soit plus du double de son niveau de 2009. La raison de ce revirement de situation ? Un choix stratégique audacieux : rompant avec son modèle d’affaire historique, le groupe californien a décidé fin 2011 de supprimer les supports physiques de ses produits pour transposer l’intégralité de son catalogue dans le cloud et le proposer sous forme de licences renouvelables. À la clé : moins de coûts de production et de distribution, des revenus plus réguliers, un taux d’attrition plus faible et surtout une moindre exposition au piratage. Sur le fond, Adobe n’a pas changé grand-chose : ses logiciels sont les mêmes qu’avant la crise et ils répondent à des besoins clients identiques. En revanche, la manière de répondre à ces besoins a évolué. C’est le point commun de la plupart des transformations de type A : trouver de nouvelles pistes pour adresser un marché existant en repensant les modes de production, de distribution ou de commercialisation (et parfois les trois à la fois). Pour mener à bien ce processus de transformation, la question est de savoir quelles sont, parmi toutes vos activités, les seules qui vous rendent uniques aux yeux de vos clients.
Transformation B : construire le moteur de la croissance de demain
Si la transformation A a une vocation défensive, la transformation B est offensive par nature. L’approche consiste à aller chercher de la croissance en dehors de votre périmètre d’activité initial : nouveaux marchés, nouveaux clients, nouveaux métiers, etc. Tous les membres du club GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), comme leurs homologues chinois des BAT (le moteur de recherche Baidu, la plateforme de e-commerce Alibaba et le leader des réseaux sociaux Tencent) sont passés maître dans l’art de la transformation B. Ces derniers ont par exemple tous les trois développé leur propre compagnie financière en ligne afin de cibler les centaines de millions de Chinois délaissés par les banques d’État traditionnelles. Comment trouver des leviers de croissance disruptifs ? En croisant votre connaissance des problèmes rencontrés par vos clients et votre expertise dans un domaine différenciant. Par exemple, les BAT ont accès à des millions de données clients leur permettant de proposer des services financiers ultra-personnalisés à leurs utilisateurs chinois qui peinent par ailleurs à obtenir des crédits.
Mais attention aux niches inutiles : tous les problèmes ne sont pas des opportunités de marché et une bonne idée ne suffit pas. Le nouveau modèle d’affaires doit être développé de manière itérative avec une approche « test and learn ». Et la solution imaginée doit être abandonnée rapidement si elle ne convainc pas. Enfin, pensez à renforcer votre capacité de développement via des recrutements dédiés, des partenariats stratégiques ou des acquisitions. De 2001 à 2009, époque de son renouveau, Apple a ainsi acheté pas moins de 26 start-up, dont une société issue du Stanford Research Institute. Elle a donné naissance à Siri.