La communication virtuelle est instantanée, efficace, mais surtout inévitable. Il est difficile d’échapper à la fameuse téléconférence hebdomadaire durant laquelle, bien souvent, chacun se met en mute et fait semblant d’écouter. Cet ennui profond, si souvent ressenti, découle de l’isolement inhérent à la communication virtuelle et de son manque de stimulations sensorielles et de signaux émotionnels. Notre cerveau est conçu pour résoudre des problèmes de survie réels, dans des conditions instables et en quasi perpétuel mouvement. Une téléconférence ne regroupe aucun de ces facteurs environnementaux.
Selon Nick Morgan, nous devons repenser nos façons de communiquer dans ce nouveau monde digital. «Il est temps de réinsérer un climat émotionnel continu dans nos échanges virtuels. Nous éviterons ainsi les coûts, aussi bien personnels que financiers, engendrés par les malentendus. »
Les problèmes récurrents des échanges à distance se regroupent en cinq catégories, toutes liées aux sens et à l’émotion.
Le manque de repères : l’être humain a évolué de manière à être capable de scruter en permanence son environnement, à la recherche d’informations lui permettant d’anticiper le danger, ou d’approcher une proie. Nous utilisons nos cinq sens et notre inconscient pour traquer les changements qui nous entourent. Or le virtuel nous prive de ces repères sensoriels. « C’est pourquoi nous trouvons cet univers numérique répétitif, confus et angoissant, » explique Nick Morgan.
Le manque d’empathie : en ligne, nous transmettons très peu de signaux émotionnels et ne recueillons pratiquement aucune information sur l’état affectif de nos interlocuteurs. Notre niveau d’empathie ordinaire en devient imprécis et nous comblons ces blancs par de l’anxiété : qui n’a pas traduit une absence de réponse à un e-mail comme un signe de colère ? Le corollaire est que le monde virtuel nous semble moins intéressant, car dénué de ces émotions qui sont d’ordinaire le premier facteur d’engagement dans une interaction; en leur absence, la durée de notre attention en ligne en est réduite, et ne dépasse parfois pas 10 minutes.
Le manque de contrôle : « Dans le monde réel, les gens oublient et pardonnent.» Mais dans le monde virtuel, «toutes ces photos embarrassantes de vos soirées d’étudiant sont toujours là, quelque part ». Nous avons un contrôle extrêmement limité sur nos données en ligne, et c’est troublant.
Le manque de critères de décision: l’esprit humain évalue en permanence son environnement. Mais en ligne, privés d’atmosphère affective, nous avons du mal à prendre des décisions. Un long silence pendant une téléconférence signifie-t-il que votre audience est impressionnée par vos propos, ou qu’elle a décroché ?
Le manque de connexion et d’engagement : si les émotions permettent de tisser des liens, elles ne peuvent naître que de rencontres en « vrai ». En leur absence, les réseaux sociaux nous abreuvent de « malbouffe virtuelle » (j’aime, clics, retweet…) qui nous touche un court instant, mais n’offre pas la satisfaction simple et saine d’une accolade. La confiance en ligne est donc fragile, le « trolling » (comportements visant à générer des conflits) endémique et le monde virtuel peut devenir un véritable champ de mines.
Réinsérer consciemment des signaux inconscients
Lors d’une réunion en « vrai », des myriades
d’indices comportementaux inconscients viennent réguler la conversation: les regards se croisent, vous acquiescez, bougez, agitez les mains… sans vous en rendre compte.