Synthèse Agilité stratégique : mettre au défi la création de valeur
Point commun entre Airbnb, Netflix et Uber : leur capacité à recréer de la valeur sur des marchés où la concurrence fait rage depuis des décennies, tirant naturellement les prix vers le bas. Comment s’inspirer de ces acteurs dits « disruptifs » qui s’appuient sur des business model innovants pour trouver de nouveaux relais de croissance ?
Le succès de certains des acteurs les plus disruptifs du moment – Airbnb, Uber, Blablacar, Tesla, etc. s’explique par leur capacité à innover dans la création de valeur. Sur des marchés saturés, ils proposent une nouvelle offre aux clients. En quoi est-ce inédit ? Depuis dix ans et le concept de la stratégie « Océan Bleu », le défi pour les entreprises consistait à sortir de la zone de concurrence pour s’imposer sur des marchés peu concurrentiels. Désormais, en particulier grâce au digital, il est possible de proposer une valeur nouvelle aux clients dans des secteurs pourtant saturés : le transport pour Uber, l’hôtellerie pour Airbnb, la télévision pour Netflix, l’automobile pour Tesla, etc. L’enjeu n’est alors plus de fuir la concurrence, mais de « rendre ses concurrents non pertinents », expliquent W. Chan Kim et Renée Mauborgne, professeurs de stratégie à l’INSEAD.
Vision : déplacer la demande
« Quels sont les principaux traits des innovations de rupture aujourd’hui ? En premier lieu, elles pointent des besoins de consommateurs insatisfaits et créent une demande nouvelle. Blablacar, entreprise de covoiturage, ne sert pas uniquement des clients qui auraient autrement pris le train ou fait de l’auto-stop. Certains seraient restés chez eux », explique François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech. Première caractéristique clé des dirigeants des entreprises qui révolutionnent leur secteur : ils ne perçoivent pas leur marché comme un « océan rouge », mais comme une zone de croissance potentielle. Insatisfaction des clients, prix élevés, services complexes… constituent pour eux autant de raisons de se lancer sur un marché à première vue saturé. Leur objectif : déplacer la demande pour capter la valeur marginale délaissée par les acteurs bien établis. Un phénomène qui s’observe notamment dans le milieu de la banque de détail. Tandis que les acteurs traditionnels accroissent leur offre pour contrer une concurrence effrénée qui tire les prix vers le bas, les start-up de la fintech réinventent la proposition de valeur au client : paiement mobile, prêts entre particuliers, financements participatifs, etc.
Organisation : entrer dans une logique de plateforme
Comment entrer dans une dynamique de croissance sur un marché saturé où les ressources disponibles (capitaux, talents, etc.) sont limitées ? Les acteurs les plus disruptifs adoptent une organisation pensée pour limiter au maximum les coûts d’infrastructure. Ils font peser une large partie de la gestion des actifs sur des tiers : les propriétaires de voiture pour Uber ou les producteurs de contenus pour Netflix. Ainsi, sans posséder d’actif, Airbnb vaut en bourse près de trois fois plus qu’Accor, propriétaire de 4 000 hôtels à travers le monde. Pour le président de Google Eric Schmidt, dans son bestseller, How Google Works (Grand Central, septembre 2014), cette stratégie est celle des « entreprises plateformes. » Objectif : s’ouvrir sur l’extérieur pour puiser ses ressources (idées, compétences, actifs, etc.) tout en économisant sur les frais de structure. Une logique qui commence à inspirer certaines grandes entreprises. Depuis 2012, Nintendo fait ainsi appel à des développeurs indépendants pour créer ses jeux, ce qui en fait le plus grand employeur de freelances de toute l’industrie des jeux vidéo. Tandis que chez P&G, plus de la moitié des nouvelles initiatives produits naissent à l’extérieur de l’entreprise.
Extrait de Business Digest N°269, septembre 2016