Lancement de plans de transformation pompeux, création de directions de l’innovation déconnectées de la base, mise en place d’initiatives gadgets importées de la culture startup… autant de moyens mis en oeuvre par les grandes entreprises pour réinsuffler dynamisme et performance dans leurs équipes, en vain. Ces mesures portées par les directions ne parviennent pas à transformer en profondeur la culture de l’entreprise. Ces dernières peinent, malgré leurs efforts à s’adapter à un monde en perpétuel mouvement, nécessitant réactivité, agilité et créativité. Selon Stéphanie Bacquere et Marie-Noéline Viguié, le changement vient avant tout des collaborateurs eux-mêmes qui doivent détourner le système pour promouvoir une contre-culture de liberté, d’improvisation, de collaboration et d’innovation.
Une philosophie du détournement
Le détournement organisationnel repose sur l’aptitude de chaque collaborateur à passer à l’action, à son niveau, pour devenir « intrapreneur » des projets qui font sens pour lui, quitte à passer outre les processus ou la hiérarchie en place. L’équipementier Salomon illustre cette démarche. Au début des années 2000, Frédéric Crétinon, chef de projet chez Salomon, conçoit une chaussure de randonnée innovante, offrant une stabilité optimale, alors que les fabricants mettaient jusqu’alors l’accent sur la capacité amortissante de leurs modèles. Adidas, qui rachète Salomon en 2002, stoppe le projet, désavoué par les études marketing. Crétinon contourne une première fois l’interdit : il organise un test grandeur nature en équipant de son prototype des athlètes qui le testent sur le terrain. Le succès est patent mais Adidas ne cède pas. Crétinon persiste. Deuxième contournement : il expose plusieurs modèles très attrayants de sa chaussure dans le couloir jouxtant son bureau. Ils attirent l’oeil, la curiosité et la convoitise. Le buzz se répand dans l’entreprise et jusqu’au bureau du PDG qui fi nit par tester les chaussures en compagnie de membres du CoDir. Convaincus, ils lèvent l’interdit. Commercialisée, l’innovation clandestine est devenue quinze ans plus tard un des grands succès de la marque. L’histoire, exemplaire, tient à l’opiniâtreté d’un individu. Mais comment propager cet état d’esprit au sein de toute une entreprise ?
« Viraliser » les nouvelles pratiques de travail
Pour favoriser l’émergence de pratiques de travail plus libres, innovantes et créatives, il peut être utile de créer un précédent en piratant un dossier précis pour miser ensuite sur un effet boule de neige. L’enjeu est alors de choisir un projet court – quelques mois maximum – mais impactant et susceptible de donner des résultats tangibles, rapidement visibles et inspirants.
La suite dans notre dossier :

D’après Makestorming, le guide du corporate hacking, de Stéphanie Bacquere et Marie-Noéline Viguié (Diateino, juin 2016), The Stupidity Paradox: The Power and Pitfalls of Functional Stupidity at Work de Mats Alvesson et André Spicer (Profile Books, juin 2016) et une interview de Kumar IDAN, Appliances manager, TE Connectivity Consulting, Nouvelle-Zélande (octobre 2016).