Renforcer la confiance au long cours
Vous pourrez difficilement surmonter les bouleversements issus des turbulences qui s’enchainent, sans renforcer le capital confiance de votre organisation. Sucher et Gupta vous proposent de (re)construire et développer un pacte de confiance durable avec vos équipes et vos clients en quatre étapes.

The Power of Trust : How Companies Build It, Lose It, Regain It,
de Sandra J. Sucher et Shalene Gupta, (Public Affairs, 2021).
Le capital confiance de votre organisation est l’assise sur laquelle repose la loyauté de vos équipes et la fidélité de vos clients. Il est le garant de la pérennité de votre activité. Or, dans les périodes de crise économique et financière (1987, 2008, 2020 …), la confiance accordée aux entreprises se dégrade. C’est d’autant plus le cas aujourd’hui : la crise sanitaire a non seulement ébranlé les mécanismes de l’offre et de la demande mais aussi remis en question les modèles d’affaires et l’organisation du travail.
Dans ce contexte, renforcer la confiance dans votre organisation passe par quatre étapes :
Capitaliser sur l’expertise : à l’heure où la crise sanitaire a mis à mal les méthodes de travail et les canaux de distribution, vous devez innover (pas le choix !) pour proposer des solutions fiables pour de nouveaux besoins.
Booster l’adhésion : (re)définissez la raison d’être de votre organisation afin de l’adapter aux enjeux sociétaux post pandémie.
Assurer l’équité : dans les moments de difficultés, n’oubliez pas de traiter de manière juste toutes vos parties prenantes et surtout vos collaborateurs – où qu’ils soient.
Démontrer l’impact : démontrez bien l’alignement entre la raison d’être et l’impact réel de votre organisation, en mesurant ce dernier et en le rectifiant si nécessaire.
#1 : L’expertise, socle de la confiance
L’expertise, i.e. la capacité de vos équipes à concevoir et fournir des produits ou services indispensables à vos clients, est le socle du capital confiance de votre organisation. Elle crée une confiance cognitive, fondamentale mais limitée, qui se base sur l’appréciation rationnelle de qualités objectives attachée à une marque (pertinence, fiabilité, efficacité), via l’excellence de ses méthodes et/ou son savoir-faire technique et humain.
Uber, dont les équipes innovent en permanence pour améliorer les procédures et les services, est ainsi perçue comme l’entreprise la mieux à même d’assurer le transport rapide de ses utilisateurs d’un point A à un point B. Cette compétence clef n’a jamais été prise en défaut, ce qui explique la résilience de la plateforme en dépit des critiques : la campagne virale #DeleteUber lui a fait perdre 200 000 utilisateurs en 2017. Si la confiance cognitive accordée à Uber est très forte, la confiance affective (basée sur le ressenti émotionnel, plus profonde et durable1), qu’elle inspire est très faible. Uber a ainsi une réputation exécrable en matière sociale : vous lui confiez vos trajets – mais vous ne lui confieriez pas vos enfants !
Phénomène identique pour Amazon : la paralysie de la distribution physique pendant les confinements a confirmé la pertinence et l’efficacité du modèle digital de la firme de Jeff Bezos. Son chiffre d’affaires a augmenté de 38 % en 2020 et son bénéfice net a triplé au premier trimestre 2021. Si elle est devenue incontournable, l’entreprise n’en est pas moins attaquée sur sa gestion des ressources humaines et sa stratégie fiscale, ce qui fragilise sa position.
La confiance cognitive est la condition nécessaire pour amorcer la confiance, mais pas pour soutenir la durablement : elle a besoin du carburant d’une adhésion authentique.
#2 : La raison d’être, booster d’adhésion
Susciter l’adhésion de vos clients et de vos parties prenantes (collaborateurs, fournisseurs, fournisseurs, investisseurs, gouvernements et société) passe par la définition d’une mission identifié(e) comme altruiste, i.e. centrée sur le bien de la communauté. Les études en psychologie prouvent que la coopération fait partie des réactions humaines les plus instinctives2 : les groupes désirent punir les individus ou les organisations qui entravent sciemment les échanges collectifs3. Les chercheurs ont également montré qu’un mal causé de manière non intentionnelle est plus facilement pardonné qu’un méfait intentionnel, même si le résultat est exactement le même4. Et inversement : un dommage intentionnel est toujours plus sévèrement jugé, même si ses conséquences sont minimes5. Mieux vaut donc, pour alimenter son capital confiance, que votre organisation soit associée à de bonnes intentions, à l’instar de Tommy Hilfiger, Nike ou Zappos.
La pandémie de la Covid-19 a renforcé l’importance de (re)définir sa raison d’être pour la relier à la résolution des enjeux sociaux, sanitaires et environnementaux. Selon une étude réalisée après le premier confinement6, les entreprises sont perçues comme des acteurs majeurs d’amélioration du monde, en termes de création d’emploi, de développement de l’innovation et d’insertion des jeunes. Un engagement fort sur les questions de santé, de sécurité et d’égalité hommes-femmes est également attendu pour cimenter la confiance.
#3 : L’équité, exigence non négociable
La fin ne justifie pas les moyens : même si la mission définie par votre entreprise est louable, les moyens mis en œuvre pour y parvenir sont tout aussi – sinon plus – importants. En 1999, la vague de licenciements annoncée par Michelin alors que les profits de l’entreprise étaient en hausse a provoqué l’effondrement de la confiance dans le groupe, pourtant à l’origine élevée.
Car le sentiment de justice est essentiel dans le développement humain : dès l’âge de 12 mois, un enfant est sensible à la répartition des objets entre lui et ses pairs : tout traitement inéquitable, qu’il soit en sa faveur ou en sa défaveur, provoque sa désapprobation immédiate7. Les décisions d’entreprises perçues comme injustes sont de même « punies » par leurs clients et/ou leurs collaborateurs. En 2011, 800 000 clients de Netflix ont voté avec leurs pieds lors d’une hausse de tarifs injustifiée. Une recherche menée en 2017 sur un call center européen8 a démontré que la productivité des « survivants » d’une vague de licenciements réalisée « à l’aveugle » a décliné de 12 % après le départ de leurs collègues, en raison de l’injustice faite à ces derniers.
Face à un arbitrage délicat, vous devez traiter sur un pied d’égalité toutes les personnes concernées, tant au niveau des procédures de décision que de la communication. Dans une organisation où cohabitent des collaborateurs en présence, à distance et en mode hybride, les écarts de traitement que ces différents statuts peuvent induire doivent être réduits au maximum : notamment la moindre facilité d’accès aux informations et aux ressources de l’entreprise et la plus faible proximité avec le manager pour les collaborateurs qui ne travaillent pas sur place.
#4 : L’impact, preuve par les résultats
Les intentions comptent, mais c’est à l’aune de son impact sur le monde que votre entreprise sera au final jugée. Et attention au fossé prévisible entre raison d’être et alignement réel: selon une étude Mc Kinsey portant sur 1000 collaborateurs de grands groupes9, 62 % d’entre eux déclarent que leur employeur s’est doté d’une mission, mais seulement 42 % considèrent qu’elle crée concrètement un impact positif.
Les contradictions sont contre-productives. Deux ans avant le scandale des émissions de ses moteurs, Volkswagen s’était doté d’une mission verte : l’effet a été désastreux sur la confiance.
Pour que votre organisation reste crédible, vous avez besoin d’établir des mesures d’impact objectives mais également de vérifier que son impact est vraiment pertinent pour toutes vos parties prenantes, afin d’éviter le « paradoxe d’Abilene »10, i.e. un manque de communication qui peut mener un groupe à œuvrer pour un but qui en réalité n’intéresse personne.
Identifier et gérer les impacts indésirables est tout aussi crucial. Le traitement des données personnelles et des fake news par Facebook, sur la sellette depuis l’affaire Cambridge Analytica, a été trop lent : le problème s’est amplifié avec la pandémie de la Covid-19. Aujourd’hui, Facebook est l’entreprise de tech qui inspire le moins confiance : seulement 41 % des personnes interrogées lui font confiance ; 72 % jugent qu’elle a trop de pouvoir11. Pinterest, en revanche, a mis rapidement en place des règles claires sur le traitement de l’information ainsi qu’une équipe de supervision chargée de déterminer les posts qui les violent afin de les bloquer. Grâce à son impact anti fake news, la plateforme a durablement conquis la confiance des utilisateurs.
S’excuser pour rétablir la confiance
Récupérer un capital confiance perdue est un processus d’autant plus long que l’être humain retient davantage les événements négatifs que positifs12.
- En cas de manquement grave (Volkswagen, Wells Fargo, Boeing…) un travail de reconstruction de long terme impliquant un changement dans la stratégie, la culture et la gouvernance, est nécessaire.
- A court terme, il est aussi important d’agir en éteignant le plus rapidement possible l’incendie par des excuses. Les plus efficaces combinent six éléments :
- exprimer le regret,
- expliquer les raisons du problème,
- endosser la responsabilité du problème,
- s’engager à ne pas répéter l’erreur,
- offrir une solution de réparation,
- demander à être pardonné.
A retenir
- La confiance portée à une entreprise repose sur 4 dimensions : confiance dans son expertise, ses visées, sa manière d’opérer et son impact.
- L’expertise est le socle de la confiance mais ne suffit pas : il est essentiel de travailler ses autres dimensions pour l’entretenir dans la durée
- La crise sanitaire accentue la nécessité de redéfinir la mission de l’organisation, de traiter équitablement toutes les parties prenantes et d’agir de manière alignée.
1 Daniel J. McAllister, “Affect-Based and Cognition-Based Trust as Foundations for Interpersonal Cooperation in Organizarions” (Academy of Management Journal 38, no. 1, February 1995).
2 David G. Rand, Joshua D. Greene and Martin A. Nowak, “Spontaneous Giving and Calculated Greed” (Nature 489, no. 7416, 2012).
3 Ernst Fehr and Ivo Schurtenberger, “Normative Foundatuons of Human Cooperation”, (Nature Human Behaviour 2, no. 7, 2018).
4 Daniel L. Ames and Susan T. Fisken “Intentional Harms are Worse, Even When They’re Not” (Psychological Science 24, no.9, September 2013).
5 Daniel L. Ames and Susan T. Fisken “Perceived Intent Motivates People to Magnify Harms” (PNAS 112, no.12, March 2015).
6 « Les nouvelles attentes de Français envers les entreprises », Etude Elabe pour l’Institut de l’entreprise, septembre 2022 : https://fr.calameo.com/read/0057695845d89a3f458c5
7 Katherine McAuliffe, Peter R. Blake and Felix Warneken, “Do Kids Have a Fundamental Sense of Fairness?”, (Scientific American, August 2017).
8 Matthias Heinze, Sabria Jeworrek, Vanessa Mertins, Heiner Schumacher and Matthias Sutter “Indirect Effects of Employer Behavior on Workplace Performance”, (Vox, Decembre, 2017).
9 « Purpose : Shifting from Why to How , (McKinsey & Company, April 2020).
10 Jerry B. Harvey, « The Abilene Paradox: The Management of Agreement”, (Organizational Dynamics 3, no. 1, Summer 1974).
11 Casey Newton, “The Verge Tech Survey 2020”, (Verge, March 2, 2020).
12 Sandra J. Sucher, Shalene Gupta, Gamze Yucaoglu, Fares Khais, « The NCB Capital Turnanroud : Walking the Spleeping Giant”, un published Harvard Business Publishing Case.
© Copyright Business Digest - Tout droit réservé

© copyright Business Digest, tout droit réservé