Comment faire accepter le recadrage ?
Long et exigeant, le processus de formulation/recadrage d’un problème va parfois à l’encontre de convictions fermement établies. Il peut donc susciter des réactions de déni voire de franches résistances. Voici quelques conseils pour y faire face.

What’s Your Problem? : To Solve Your Toughest Problems, Change the Problems You Solve, de Thomas Wedell-Wedellsborg, (Harvard Business Review Press, mars 2020)
1/ CRÉEZ UN TERRAIN FAVORABLE AU RECADRAGE
Vous voulez vous assurer que la vraie nature d’un problème n’est pas en train d’échapper à votre équipe ? Une session de recadrage s’impose pour vérifier que tous les paramètres ont bien été pris en compte. Mais, pour des professionnels aguerris, la perspective de consacrer du temps au recadrage d’un problème n’a rien d’engageant. C’est pourquoi vous avez tout intérêt à préparer méticuleusement le terrain.
- Avant de commencer les discussions, invitez chaque participant à coucher par écrit sa propre formulation du problème (sans suggérer la vôtre au préalable). Les deltas – même minimes – qui apparaîtront à la lecture de l’ensemble des productions souligneront efficacement l’importance de cette réflexion collective.
- Prenez le temps d’expliciter le concept de recadrage et de montrer ses bénéfices potentiels, à l’aide de quelques anecdotes bien choisies. Celle de l’ascenseur lent et des visiteurs impatients est une valeur sûre !
2/ SOYEZ CLAIR SUR LE FOND, ET PRO SUR LA FORME
Un recadrage ce n’est pas un simple « je crois que nous nous trompons de sujet » mais une véritable méthode avec des étapes prédéfinies. N’hésitez pas à structurer vos discussions dans un cadre présenté sous forme de tableau à remplir collectivement :
- Quoi : formulation initiale du problème,
- Qui : liste des parties prenantes impliquées ou concernées et de leur rôle dans le problème. Ne vous oubliez pas dans l’équation !
- Quand, où et pourquoi : exploration du contexte actuel et de la situation antérieure : qu’est ce qui a changé entre temps et pourquoi, quels éléments pourraient avoir une influence cachée ?
- Filtrage des biais cognitifs les plus fréquents : biais de confirmation et de croyance, effet de halo (quand la perception d’un groupe est influencée par l’opinion qu’on en a), illusion de corrélation…
- Recherche des exceptions positives
3/ ADAPTEZ VOS MOTS À VOTRE AUDITOIRE
La façon dont nous appréhendons les épreuves est largement influencée par notre construction mentale. Lorsque vous ressentez le besoin de recadrer un problème avec d’autres personnes, pensez à vous faciliter la tâche en adoptant la formulation à laquelle elles seront les plus sensibles.
- Le théoricien de la motivation Edward Tory Higgins distingue deux catégories de comportements face à une situation donnée : ceux qui l’appréhendent comme une perte potentielle et ceux qui y voient au contraire un gain éventuel. Vis-à-vis des premiers vous devrez présenter le recadrage comme la meilleure façon d’éviter de commettre une erreur regrettable. À l’inverse les seconds seront davantage motivés si vous suggérez qu’un plus ample examen du problème ne peut avoir que des conséquences bénéfiques.
- Un autre théoricien de la motivation – Arie Kruglanski – a étudié le besoin de clôture, qui fait référence au désir d’obtenir une réponse ferme à une question. Une personne chez qui le besoin de clôture est très fort aura tendance à considérer l’analyse d’un problème comme une perte de temps qui ne fait que retarder la solution. Elle sera sensible à un discours qui présente le recadrage comme un véritable passage à l’action. À l’inverse certains individus évitent la clôture et risquent de se complaire éternellement dans l’analyse du problème. Face à ces derniers vous devrez veiller à maintenir un cap temporel précis, quitte à leur confier des missions qui leur plaisent (comme la recherche de données, par exemple).
4/ COMPOSEZ AVEC LE DÉNI
Malgré vos efforts, vos équipes (ou vos clients, ou vos partenaires) ne semblent pas voir l’intérêt de remettre en question leur approche d’un problème et préfèrent poursuivre les pistes de solutions envisagées ? Vous voici avec un nouveau problème à recadrer.
- Appliquez la même méthode que face à n’importe quel autre problème complexe : plutôt que de partir avec un a priori (« ils n’ont pas compris qu’ils risquaient d’aller dans le mur ») commencez par vous demander si vous avez bien décrypté leur attitude. Leur résistance au recadrage peut être en effet le signal d’une angoisse vis-à-vis de l’avenir ou d’une défiance à votre endroit. Elle peut aussi tout simplement indiquer que l’équipe est sûre d’elle. Dans ce cas vous seriez bien avisé de vous interroger sur vos propres croyances : qu’est-ce qui vous pousse à croire que vous avez raison malgré tout ? Quel objectif poursuivez-vous vraiment à travers ce recadrage ?
- Dépassionnez le débat : n’hésitez pas à faire intervenir une personne neutre, qui pourra jouer les intermédiaires entre les « pros » et « anti »-recadrage et aider le groupe à arriver à un terrain d’entente. Dans le même ordre d’idées, misez sur les données factuelles plutôt que sur les arguments passionnels.
- Ne vous arque-boutez pas sur vos convictions : face à une équipe qui fait bloc dans le déni, vous pouvez encore convaincre en présentant deux plans d’actions distincts, s’appuyant sur la vision « statu quo » pour l’un et sur la vision « recadrage » pour l’autre. Cette mise en perspective parallèle des deux options pourra peut-être aider certains individus à changer de regard sur la situation.
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