7 idées pour résoudre le bon problème
En règle générale, vous détestez autant les problèmes que vous adorez les solutions. Rien de très étonnant : qui ne préfèrerait pas se projeter dans un futur désirable plutôt que de s’appesantir sur un présent insatisfaisant ? Mais c’est sans compter avec sur les biais cognitifs qui brouillent l’appréciation des problèmes et vous aiguillent sur des voies inadaptées. Pour éviter de tomber amoureux des mauvaises solutions apprenez à entrer dans l’intimité de vos problèmes.
Imaginer demain et trouver des solutions aux préoccupations du moment, c’est comme répondre à un contrôle de maths : tant que nous n’avons pas bien compris tous les termes d’un problème, nous n’avons aucune chance de trouver la solution. Or analyser un problème, c’est aussi prendre en compte l’ensemble des éléments qui ont pu contribuer à son émergence : événements antérieurs, parties prenantes extérieures, éléments du contexte… Et une bonne formulation d’un problème ne suffit pas toujours à élaborer la bonne solution : il est tout autant nécessaire d’aller chercher l’inspiration ailleurs, là où le problème ne se pose pas, ou là où une situation similaire a déjà été vécue par d’autres.

What’s Your Problem? : To Solve Your Toughest Problems, Change the Problems You Solve
de Thomas Wedell-Wedellsborg, (Harvard Business Review Press, mars 2020)
Cadrez votre problème…
« S’il n’y a pas de solution c’est parce qu’il n’y a pas de problème », disaient les Shadoks. Nous dirons plutôt : si vous n’avez pas de bonne solution, c’est peut-être parce que vous n’avez pas le bon problème ! Avant de vous lancer à corps perdu dans la recherche de la meilleure idée possible pour sortir d’une situation donnée, prenez le temps d’analyser cette dernière. Commencez par circonvenir votre sujet en une courte phrase qui commencera idéalement par « le problème, c’est que… » Notre conseil : dans un premier temps collez à la description du problème telle qu’il vous a été présenté initialement, sans essayer de l’interpréter. Ainsi, face à des collaborateurs qui se plaignent du temps qu’ils perdent à attendre l’ascenseur dans votre immeuble, la meilleure formulation sera « le problème, c’est que les gens se plaignent de l’attente de l’ascenseur » et pas « le problème, c’est que notre ascenseur est trop lent ». En effet, même si la seconde formulation vous paraît plus factuelle, elle couvre en fait un champ très différent de la première. Face à un ascenseur lent, vous chercherez une réponse technique, alors que face à des gens impatients, vous chercherez une réponse psychologique (pourquoi pas un miroir à côté de l’ascenseur, histoire de détourner l’attention des visiteurs vers un sujet qui les captive vraiment ?)
…Pour mieux sortir du cadre
Une fois ce cadrage initial effectué – et idéalement validé par d’autres que vous – sortez du cadre pour prendre en compte l’ensemble des tenants et aboutissants de votre problème, en mettant de côté vos convictions intimes et vos raccourcis d’expert. Pour ce faire, passez en revue plusieurs sujets : avez-vous listé toutes les parties prenantes impliquées dans la situation problématique, des événements antérieurs contribuent-ils à l’expliquer, des éléments extérieurs au contexte immédiat pourraient-ils l’influencer ? Cette vision panoramique vous permettra éventuellement de comprendre que ce que vous pensiez être la cause d’un problème n’était finalement qu’une simple corrélation, voire un dégât collatéral. Pendant des décennies le système scolaire américain s’est ainsi attaché à renforcer le self control chez les écoliers sur la foi d’une étude qui faisait le lien entre la capacité des enfants à résister à la tentation d’un bonbon et leur réussite scolaire future. Mais dans les années 2000 une nouvelle étude a sérieusement remis en cause le bien-fondé de la démarche en révélant que les enfants incapables de se retenir devant une sucrerie étaient en grande majorité issus de milieux défavorisés et qu’un meilleur self control n’était sans doute pas ce dont ils avaient le plus besoin pour réussir leurs études.
Redéfinissez vos objectifs
Votre problème, c’est que des obstacles vous empêchent d’atteindre votre objectif. Soit. Mais êtes-vous sûr de poursuivre le bon objectif ? Plus exactement : connaissez-vous réellement la véritable nature de votre quête ? Il s’agit là encore de sortir du cadrage initial du problème pour découvrir d’autres espaces de solutions. Imaginez par exemple que vous pilotez une équipe chargée de centraliser tous les changements apportés à une base de données importante. Vous devez réduire le délai de validation de chaque demande de modification pour fluidifier et sécuriser les processus de l’entreprise. Qu’allez-vous faire ? Embaucher de nouveaux collaborateurs pour absorber la charge de travail ? Mettre la pression sur l’équipe existante avec des procédures plus exigeantes ? Et si vous cherchiez plutôt à comprendre l’ambition réelle qui se cache derrière la demande initiale, qui serait de permettre aux autres équipes de l’entreprise d’avoir des données à jour en permanence ? Cette nouvelle vision de votre objectif vous permettra de comprendre que la solution ne repose peut-être pas uniquement sur vos collaborateurs : si toutes les entités de l’entreprise étaient autorisées à entrer elles-mêmes un certain nombre de modifications dans la base, votre équipe pourrait se concentrer sur les données les plus sensibles et donc aller plus vite sur ce pour quoi elles ont une vraie plus value… Dans certains cas, l’objectif initial peut même desservir votre but véritable. L’auteur cite ainsi l’exemple des entreprises qui parient sur des délais de paiement très longs pour augmenter leurs liquidités et faire des économies mais qui se retrouvent, de ce fait, coincées avec des prestataires suffisamment solides pour faire face à cette contrainte et donc potentiellement plus chers et moins réactifs que les structures plus légères.
Cherchez les exceptions positives…
Malmenons à nouveau le proverbe Shadoks : là où il n’y a pas de problème il y a peut-être une solution. En clair : si vous cherchez une voie pour sortir d’une situation qui ne vous convient pas, intéressez-vous d’abord au contexte dans lequel tout se passe bien. Si votre produit ne rencontre pas le succès escompté, sauf dans une région, commencez par comprendre ce qui différencie ce territoire des autres. Si vous êtes stressé au travail, sauf les veilles de vacances, qu’est-ce qui caractérise votre état d’esprit ces jours-là dont vous pourriez vous inspirer pour les autres jours ? C’est en investiguant une exception positive que les associés d’un cabinet d’avocats ont pu tirer un trait sur leur incapacité à mener à terme leurs plans d’actions stratégiques. En réfléchissant à la seule fois où un programme avait été porté jusqu’au bout ils ont remarqué qu’un associé junior avait été exceptionnellement convié à la réunion où le projet avait été acté et qu’il s’était ensuite attaché à veiller à son bon déroulement, sans doute pour faire ses preuves auprès de ceux qui l’avaient distingué en l’invitant. Depuis cet éclat de lucidité, le cabinet d’avocats veille à associer des jeunes talents à chaque grande décision afin qu’ils jouent les mouches du coche.
… et l’inspiration ailleurs
Et si vous n’avez pas d’exception positive à portée de la main, rien n’est perdu pour autant. D’autres structures dans la même situation que vous ont peut-être trouvé une solution qui pourrait être adaptée à votre problème ? C’est ce qu’ont fait deux dirigeants américains de Pfizer confrontés à des barrières culturelles dans leurs relations avec des collaborateurs indiens. En s’inspirant des pratiques de l’industrie hôtelière, ils ont modifié leurs priorités de recrutement (privilégiant des profils pas forcément au point techniquement mais acculturés aux méthodes américaines) et la situation s’est rapidement améliorée.
Regardez dans le miroir…
Les problèmes peuvent être le résultat d’un faisceau d’actions… y compris les vôtres ! Plutôt que d’attendre que tous les rouages de la machine soient remis en ordre de marche avant de vous intéresser à ce que vous pouvez apporter au système, commencez par explorer votre contribution personnelle à la situation ! Par exemple, si vous cherchez à booster la participation à une plateforme d’entraide entre collaborateurs, la rendre plus facile à utiliser ne suffira peut-être pas si vous n’avez pas au préalable instauré une culture favorisant le partage et l’esprit d’équipe ou si votre système de rémunération récompense uniquement les efforts individuels. Cet exercice d’introspection n’est pas forcément des plus simples, vous aurez peut-être intérêt à solliciter l’aide d’un partenaire de confiance.
…Et avec les yeux des autres
Un autre moyen de recadrer un problème peut être de le voir à travers les yeux de ceux qu’il concerne au premier chef, en vous intéressant à leurs émotions mais aussi à leur environnement. Le hic c’est qu’en règle général l’être humain n’est pas particulièrement doué pour comprendre le point de vue des autres. Le premier réflexe à cultiver à cet égard est de mettre de côté votre perception du problème : face à des collaborateurs qui rendent leur reporting hebdomadaire en retard, oubliez vos propres échéances pour mieux vous concentrer sur celles de vos collaborateurs et sur la pomme de discorde elle-même. Le reporting n’est-il pas la énième micro-tâche qu’ils doivent boucler dans la semaine ? Et le format proposé ne serait-il pas un peu trop alambiqué ? Plus encore, le problème n’aurait-il pas une utilité aux yeux de vos collaborateurs ? De manière générale face à un sujet difficile à maîtriser, n’hésitez pas à discuter avec un maximum de parties prenantes… Mais en écoutant vraiment ce qui vous est dit. En interrogeant leurs clients pour comprendre pourquoi son nouveau ketchup ne se vendait pas, un fabricant s’est vu répondre « j’adore votre ketchup, d’ailleurs j’ai toujours votre échantillon dans notre frigo. » Au-delà de la bonne nouvelle (le produit plait), ces témoignages reflétaient aussi l’origine du problème : si l’échantillon adoré n’avait pas été consommé c’est qu’il y’avait un problème caché, en l’occurrence, une taille trop trapue qui faisait disparaître le pot dans la contreporte le condamnant à l’oubli.
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